Ancien ministre et ex-ambassadeur de la RASD, Hadj Ahmed Barikallah livre à Jeune Afrique un témoignage rare sur le fonctionnement interne du Polisario. S’il a fini par quitter les rangs du Front, il n’a pas pour autant rallié le Maroc. De Tindouf à Madrid, en passant par Alger ou Caracas, récit d’un nationaliste sahraoui devenu opposant, et qui voit dans le plan d’autonomie proposé par le royaume une bonne base de discussion.
Les témoignages sur le fonctionnement interne du Front Polisario sont rares. Celui de Hadj Ahmed Barrikallah, né en 1957 dans la bourgade de Villa Cisneros – aujourd’hui connue sous le nom de Dakhla mais qui appartenait alors à la province espagnole du Rio de Oro – est précieux et exceptionnel à plus d’un titre. D’abord parce que ce descendant de grandes familles sahraouies a connu les années turbulentes des accords tripartites signés en 1975 par le Maroc, la Mauritanie et l’Espagne. Ensuit parce qu’il a, en compagnie de sa famille, passé une partie de sa jeunesse dans les camps de la toute jeune République sahraouie autoproclamée, où il a reçu une formation militaire, avant de rejoindre le pôle médias du Front Polisario et de voyager à Cuba, en Espagne ou en Algérie.
Nationaliste sahraoui convaincu
À partir des années 1980, le journaliste devient diplomate et ambassadeur de la RASD, se hissant jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir. Découvrant, aussi, l’envers du décor. Nationaliste sahraoui convaincu, Hadj Ahmed Barrikallah a observé les travers et les dérives du mouvement auquel il avait, jusque-là, consacré toute son existence. Malgré les dons d’argent et de matériel, a-t-il constaté avec amertume, les conditions de vie dans les camps où vivent la plupart de ses compatriotes ne se sont jamais vraiment améliorées alors que les décennies passaient. Quant au pouvoir politique, il était confisqué par un cénacle très restreint régnant sans partage et décidant de tout.
C’est ce parcours personnel, mêlé à soixante ans d’histoire de la population du Sahara occidental, que celui qui est aujourd’hui devenu un opposant a raconté à Jeune Afrique. Installé en Espagne, il porte un regard désabusé sur ses anciens camarades et, à la tête du Mouvement sahraoui pour la paix (MSP) qu’il a fondé en 2020, plaide à présent pour un dialogue constructif avec le Maroc. Parce que, dit-il, la population sahraouie « est prise en otage » et vit « dans la misère », et que puisque « la victoire militaire est impossible », il est temps d’explorer de nouvelles issues.